Pour exprimer notre potentiel créatif et par là-même notre singularité au cœur de l'existence, il est important de s'accorder des temps de rêverie. Histoire de se donner la possibilité de faire un premier pas vers ce qui nous anime en profondeur...
Quelques extraits ("citations") d'un entretien du psychanalyste Guy CORNEAU avec Pascale SENK me permettent de partager les réflexions qui suivent.
" Lorsque l'on a perdu le contact avec ses talents, avec ses dons, il faut vraiment se permettre des longs temps de repos, de rêveries, où l'on va pouvoir se demander : "Qu'est-ce qui me fait vibrer ? Qu'est-ce qui me donne le goût de vivre ?” "
L'oisiveté n'est pas mère de tous les vices. Se reposer et rêver, c'est s'autoriser à se questionner sur ses motivations et sur son propre rapport au désir, à l'envie, au plaisir. En questionnant, je me mets en mouvement. Même si en apparence je suis inactif - improductifs pour certains-, je remets en question mes habitudes et mon fonctionnement. Je sors du schéma habituel pour m'extraire des répétitions. En quelque sorte rêver, c'est déjà mettre le pied à l'étrier. Une sorte de tremplin pour un nouvel essor.
" Peu importe le résultat, peu importe ce que les autres en pensent... Des réponses d'abord très générales, très vagues vont alors monter en soi : "Ce qui me plaît, c'est le bois, la pierre, le plein air..." Trop souvent, on veut tout de suite concrétiser, or c'est une erreur. Il faut d'abord que je rêve longtemps. Que je rêve éveillé à ce qui me plairait. (...) "
Guy CORNEAU suggère que ce qui va se dessiner dans un premier temps sera probablement flou, un peu vague. Comme une silhouette dont on ne percevrait que quelques contours. Une sorte d'esquisse... On est loin de l'épiphanie dans la question du redéploiement : pas de révélation subite ou d'inspiration surréaliste. Plutôt des émergences, des sensations qui affleurent au niveau conscient. Rien de bien précis, donc.
On est loin de l'épiphanie dans la question du redéploiement.
Simplement, des ressentis, des intuitions qui émergent à la conscience. Peut-être sous la forme d'images, de formes, de couleurs... Peut-être sous le forme de souvenirs, d'empreintes, de parfums, de sonorités... Peut-être des éléments qui se manifestent à nos sens, ou encore des symboles...
S'ouvrir au langage de notre rêverie est le premier pas pour saisir le trousseau de clés d'un possible redéploiement. Et ce n'est qu'un trousseau : il ne parle pas d'enfoncer une porte dès qu'une serrure, une poignée ou un chambranle semblent se donner à voir. La question de prendre son temps est là primordiale.
" Quel va être mon premier pas ? Mieux vaut commencer par des petites concrétisations, sans bouleverser sa vie au grand complet. Ma proposition, c'est de se dire : "Tiens, je vais faire un peu de musique, je vais me remettre au vélo, je vais me faire coacher pour créer ma propre entreprise... Je vais faire un premier pas." "
On voit bien qu'il ne s'agit pas de révolutionner sa vie en un coup magistral : le coup de maître relève de la stratégie, le coup de baguette magique relève de la magie. Dans le redéploiement, je n'évolue pas dans un plan stratégique ou magique... J'essaie d'évoluer dans ma réalité !
Pas de stratégie ni de magie : que du réel !
Il s'agit davantage de réapprendre à marcher et surtout de découvrir un nouvel équilibre. S'équilibrer demande du temps : d'abord ressentir les déséquilibres, puis les conscientiser; ensuite tester des rééquilibrages possibles, s'interroger sur ce qu'ils nous apportent ou non; puis choisir une façon d'être et d'avancer qui nous convienne. Et enfin, pérenniser cette façon d'être au monde... Adieu désirs de résolution immédiate de toutes mes contrariétés ou d'assouvissement instantané de tous mes fantasmes d'évolution, bienvenue dans le grand bain de la progressivité !
Pas de révolution, plutôt des petits pas.
Le redéploiement n'invite pas, bille en tête, à foncer sur un sentier idéalisé ou emprunté à des pensées toutes faites. Le redéploiement invite à sentir ce que je suis capable de faire à un moment donné de ma vie, à le mettre en œuvre si j'en ai l'envie et la ressource. Si je n'en ai pas la ressource, c'est probablement que je suis encore régi.e par mon mental et ses diktats : "il faut..." / "je dois...". Alors qu'il est question de m'ajuster sensiblement et raisonnablement à ce que je suis en train de devenir. Cette méthode de redéploiement invite à la mesure, à la prudence et surtout à s'inscrire dans une temporalité lente, dans la durée, sans précipitation.
" La progression est essentielle dans ce déploiement de la créativité. Car si j'avais la sensation d'être passé à côté de moi-même, un trop grand changement risque d'amener une autre peur, la peur d'échouer, et je risque d'être ramené à ma stagnation de départ."
Le risque de la précipitation, c'est de me retrouver piégé.e par mes propres angoisses : je deviens à nouveau le fantôme de mon existence. En vivant mes limites comme la condition-même de mon épanouissement, je m'offre l'opportunité de me vivre en harmonie, dans ma réalité. Je m'ajuste à mes capacités du moment et je me laisse guider par des petits plaisirs, des petites actions qui me replacent en pilote de mes choix existentiels. C'est là que je me donne la possibilité de vivre ma propre vie. Cette progressivité, personne ne peut la définir à ma place...
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